II
Quand Renisenb regagna la maison, Kameni était assis sous le porche, un rouleau de papyrus sur les genoux. Il chantait. Elle s’arrêta pour écouter. Il disait :
— J’irai à Memphis, j’irai trouver Ptah, dieu de la vérité et je dirai à Ptah : « Donne-moi ma sœur, ce soir ! » Le fleuve est de vin, Ptah en est les roseaux, Sakhmet le lotus, Earit le bouton, Nefertum la fleur. Et je dirai à Ptah : « Donne-moi ma saur, ce soir ! » L’aurore transparait dans sa beauté. Memphis est un plat de pommes d’amour dressé devant elle…
Levant la tête, il aperçut Renisenb. Il lui sourit et dit :
— Tu aimes ma chanson, Renisenb ?
— Qu’est-ce que c’est ?
— Une chanson d’amour de Memphis.
La regardant dans les yeux, il reprit, d’une voix très douce :
— Ses bras sont chargés de branches fleuries, sa chevelure est lourde de parfums. Elle est comme une princesse du Seigneur des Deux Terres !
Renisenb sentit une rougeur monter à ses joues. Vivement, elle entra dans la maison où elle faillit se heurter à Nofret.
— Pourquoi es-tu si pressée, Renisenb ?
Le ton de Nofret était acerbe et Renisenb la regarda avec étonnement. Nofret ne souriait pas. Elle avait l’air de mauvaise humeur et Renisenb remarqua qu’elle serrait les poings.
— Excuse-moi, Nofret, je ne t’avais pas aperçue ! Il fait sombre ici quand on vient de l’extérieur…
— Oui, il fait sombre.
Après un silence, Nofret reprit :
— On est mieux dehors… sous le porche… à écouter les chansons de Kameni. Il chante bien, n’est-ce pas ?
— Oui. Il chante même très bien !
— Et pourtant tu n’es pas restée pour l’entendre. Il doit être déçu.
Renisenb eut conscience que ses joues s’enflammaient de nouveau. Elle se sentait mal à l’aise sous le regard de Nofret, froid et méprisant.
— Est-ce que tu n’aimerais pas les chansons d’amour, Renisenb ?
— Ce que j’aime et ce que je n’aime pas, Nofret, en quoi cela peut-il t’intéresser ?
— Tiens ! tiens ! Les petits chats ont des griffes.
— Que veux-tu dire ?
Nofret se mit à rire.
— Tu es moins sotte que tu n’en as l’air, Renisenb ! Ainsi, tu trouves que Kameni est beau garçon ! Je suis sûre qu’il sera content de le savoir !
— Nofret, tu es odieuse !
Renisenb avait lancé ces mots d’une voix chargée de colère. Elle s’éloigna vivement vers l’intérieur de la maison poursuivie par le rire moqueur de Nofret.